Séries | LA FIÈVRE – 08/20 | INVINCIBLE S02 – 14/20 | PALM ROYALE – 13/20

LA FIÈVRE S01 (Canal) – 08/20

Terriblement caricaturale, parfois même totalement à côté de son sujet, la Fièvre échoue lourdement à traduire la réalité qu’elle est censée décrire, que ce soit celle d’un club de football pro (surtout) ou celle des médias (tourner chez Canal n’est pas gage de réalisme). C’est d’autant plus frustrant que ses créateurs avaient excellé dans leur retranscription du monde politique dans Baron Noir. Enorme déception donc au regard des précédentes Créations Originales Canal.
Le ton général de la série sonne faux, jusqu’au personnage de Sam, dont l’instabilité mentale liée à son statut HPI (on a compris), le débit de parole et le langage très littéraire ont du mal à convaincre (malgré tout le talent de Nina Meurisse). La série est plus habile quand elle traite des réseaux sociaux, de leur impact social et comment les manipuler. Elle n’hésite cependant pas à enfoncer des portes ouvertes pour rendre compte des luttes d’opinion en ligne qui polarisent la société et exacerbent les crispations communautaires. Mais cette photographie d’une société fracturée et prête à s’embraser, bien que très parcellaire, est intéressant d’un point de vue dramatique, on peut accorder ça à la série. Cette polarisation est incarnée par deux figures féminines située aux extrêmes, Kenza pour les indigéniste (la découverte Lou-Adriana Bouziouane) et la standupeuse Marie Kinsky pour les souverainistes (Ana Girardot, parfaite en simili Marion Maréchal), dont l’inimité avec Sam sert de fil rouge à la série.
Malheureusement, les personnages sont trop grossièrement construits, les dialogues trop écrits et manquant de naturel, le jeu d’acteur trop approximatif et la mise en scène trop quelconque pour compenser un évident manque de moyen (les scène de foule sont vraiment gênantes… )
Le scénario multiplie par ailleurs les invraisemblances, le point d’orgue étant sans doute cette idée de club de Ligue 1 géré en coopérative en mode bisounours (mais le débat final n’est pas mal non plus)… En conclusion, la Fièvre retombe bien vite…
MAIS! (car il y a un mais) … si saison 2 il y a, elle semble se recentrer sur quelque chose de plus solide. Et elle, elle est plutôt prometteuse.

INVINCIBLE S02 (PrimeVideo) – 14/20

Ce n’est pas toujours facile de s’y retrouver avec tant d’intrigues qui se croisent. Mais le destin de Mark, aka Invincible, et son rapport au père est notre boussole pour se repérer dans cette série super-héroïque singulière, ultra violente mais pas gratuite, marquée par les traumas familiaux et le poids des responsabilités.
Si le rapprochement avec The Boys est évident, Invincible n’a pas son cynisme, elle est moins « fun », délivre plus d’empathie avec ses personnages. Une remarquable série d’animation pour adulte.

PALM ROYALE S01 (AppleTV+) – 13/20

Comédie rétro chic cornaquée par Kristen Wiig, Palm Royale nous plonge avec bonheur et causticité dans l’Amérique chic et bourgeoise des années 70 à Palm Beach, fief des familles aisées de Californie et parfait miroir aux alouettes.
Maxine tente de se faire une place parmi les dames de la haute société de la ville et pour cela doit feindre d’être millionnaire sans avoir un sou, et elle est prête à tout. C’est évidemment un excellent ressort de comédie dont Wiig s’empare avec délectation, bien soutenu par les actrices composant le club des maitresses des lieux où trône Allison Jalley en toute superficialité.
Glamour, piquante et drôle, à défaut d’être particulièrement marquante, Palm Royale a tout pour vous faire passer un bon moment.

Cinéma | UNE FAMILLE – 14/20

De Christine Angot

Chronique : Certes, la portée cinématographique de son procédé narratif alternant archives de films familiaux et entretiens filmés est limitée. Mais Une Famille n’en est pas moins puissant, dérangeant et essentiel.
C’est un film de confrontation. Il est audacieux, thérapeutique pour son autrice sans doute. Et violent, indéniablement.
Christine Angot force littéralement ses interlocuteurs à affronter l’inceste qu’elle a subie et à confronter leur attitude de l’époque.
Est-ce la bonne méthode ? Est-ce que répéter ad nauseam des questions jusqu’à entendre les réponses qu’on attend leur donne autant de valeur que des confessions spontanées ?
Sans doute pas. Mais le procédé rappelle frontalement que le viol bousille profondément et irrémédiablement la vie de la victime, tout comme il ravage son entourage, même (surtout) lorsqu’il s’est enfermé dans le déni. Rien n’est plus comme avant.
Angot est une personnalité clivante, un personnage dur, peu aimable. Malgré le drame abominable qu’elle a vécu, elle suscite peu l’empathie. On pourrait penser que c’est la limite d’Une Famille, c’est au contraire sa force.
Le documentaire touche à l’universalité et son côté forceur amplifie l’urgence et la nécessité de la libération de la parole de la victime.
Avec cet exercice personnel, intime, impudique même, Angot pousse ses proches à regarder l’horreur en face, à verbaliser ce qu’ils se refusaient à voir. Mais au-delà de son cercle proche, elle incite son spectateur et plus encore la société à regarder le mal dans les yeux, à le citer et le dénoncer.
Ce n’est pas agréable. Mais c’est nécessaire. Et ça vous reste dans la tête longtemps après le générique de fin.

Synopsis : L’écrivaine Christine Angot est invitée pour des raisons professionnelles à Strasbourg, où son père a vécu jusqu’à sa mort en 1999. C’est la ville où elle l’a rencontré pour la première fois à treize ans, et où il a commencé à la violer. Sa femme et ses enfants y vivent toujours.
Angot prend une caméra, et frappe aux portes de la famille.

Cinéma | LA PROMESSE VERTE – 12/20

De Edouard Bergeon
Avec Alexandra Lamy, Félix Moati, Sofian Khammes

Chronique : Thriller écologico-politique, La Promesse Verte s’empare du scandale de la surexploitation de l’huile de palme en Indonésie et par extension de la tragique déforestation du pays. Le réalisateur Edouard Bergeon articule son réquisitoire autour de l’histoire de Martin, étudiant idéaliste condamné à mort pour avoir été le témoin de ce qu’il n’aurait pas dû voir.
Bien qu’un poil naïf, le film dénonce efficacement la toute-puissance des lobbys, l’hypocrisie des états, l’avidité meurtrière des grands groupes industriels et les limites de la diplomatie internationale. Il nous rappelle que le combat pour faire primer la sauvegarde de la planète avant les intérêts financiers, s’il n’est pas perdu d’avance, relève encore de l’affrontement de David contre Goliath.
Très bien documenté, La Promesse Verte s’avère être un film dossier sérieux, même s’il a plus de mal à déployer ses arcs dramatiques qui l’encombrent plus qu’autre chose malgré les efforts louables de son duo de comédiens Alexandra Lamy / Félix Moati. Le récit manque d’un peu de souffle pour tout à fait convaincre, mais offre de de très belles images de la jungle de Bornéo, ce qui renforce la cinématographie du projet.

Synopsis : Pour tenter de sauver son fils Martin injustement condamné à mort en Indonésie, Carole se lance dans un combat inégal contre les exploitants d’huile de palme responsables de la déforestation et contre les puissants lobbies industriels.

Séries | FELLOW TRAVELERS – 15/20 | MASTERS OF THE AIR – 14/20 | POLAR PARK – 14/20

FELLOW TRAVELERS (Canal +) – 15/20

« Love is dangerous » dit l’affiche de la série. Certainement quand on est queer dans les années 50… Fellow Travelers raconte sur quatre décennies une histoire de l’homosexualité, celle de Hawk et Tim. Les rendez-vous cachés, les soutiens souterrains, les suspicions à réfuter à grand coup de poses viriles, les mariages arrangeants…. Et souvent, lutter contre qui l’on est, trouver des stratagèmes pour être avec celui qu’on aime, parfois le trahir. Et affronter un virus mortel et dévastateur.
Matt Bodmer et Jonathan Bailey incarne ce couple maudit. A la séduction provocatrice et l’arrogante assurance de Bomer répond le charme maladroit de Bailey . L’alchimie est évidente.
Construit en flash-back, Fellow Travelers est éminemment politique (on n’en attendait pas moins du scénariste de Philadelphia), débutant aux premières heures du maccarthysme et se concluant alors que culmine l’épidémie de sida.
Tragique et crue, Fellow Travelers éclaire sur les dégâts effroyables causés par l’homophobie et le sida aux histoires d’amour gay des années 50 aux 80’s. Si elle n’atteint pas l’universalité dramatique d’Angels in America ou la force militante de It’s a Sin, séries de référence sur l’histoire LGBT+, elle n’en est pas moins belle, intense et bouleversante.

MASTERS OF THE AIR (AppleTV+) – 14/20

Apple s’offre avec Masters of the Air une série de prestige produite par Spielberg qui clôt le triptyque sur la 2ème guerre mondiale qu’il forme avec Band of Brothers et The Pacific. La direction artistique est aussi ambitieuse que grandiose et orchestre d’intenses et impressionnantes scènes de combats aériens. Formellement, c’est parfait et Masters of the Air nous immerge littéralement dans la brutalité du conflit et la réalité léthale de la guerre.
Dommage que la série manque un peu d’ampleur dramatique. C’est bête, mais le fait de ne pas pouvoir distinguer les personnages dans leur cockpit avec leur masque crée une distance et rend difficile de s’attacher à chacun deux (d’autant plus que la plupart ont une espérance de vie limitée). Il faut attendre les derniers épisodes pour que Masters of the Air délivre sur le fil du romanesque et de l’émotion. Elle est en tout cas formidablement portée par certains des jeunes loups les plus en vue d’Hollywood.

POLAR PARK (Arte) – 14/20

Série policière atypique, Polar Park est aussi amusante dans son ton qu’efficace dans son exécution. Elle déploie avec énergie une enquête mêlant meurtres et œuvres d’art, lançant ses personnages dans un jeu de piste macabre passionnant, doublé d’une quête personnelle pour l’écrivain en mal d’inspiration joué avec brio par Jean-Paul Rouve. L’ensemble du casting est par ailleurs excellent.
Le cadre enneigé et glacial de Mouthe (village le plus froid de France) rajoute à la singularité de Polar Park, qui mélange humour et whodunit avec une rigueur scénaristique jamais prise à défaut. Seul bémol, le dénouement assez peu surprenant s’étire sur deux épisodes, c’est un peu long. Mais Polar Park est une série française vraiment très recommandable.

Cinéma | PAS DE VAGUES – 13/20

De Teddy Lussi-Modeste
Avec François Civil, Shaïn Boumedine, Bakary Kebe

Chronique : Seulement quelques semaines après La Salle des Profs, sort sur nos écrans un nouveau film avec comme sujet principal un professeur pris dans l’engrenage infernal de la rumeur. Sans doute parce qu’il est inspiré du vécu de l’auteur/réalisateur, Pas de Vagues m’a semblé plus réaliste, le scénario moins forcé que dans le film allemand. Il souffre parfois des mêmes défauts dans la construction de son crescendo, mais de manière beaucoup moins marquée.
Le mécanisme narratif est le même, un fait anodin (ou du moins que n’importe qui penserait anodin) déclenche une réaction en chaîne qui va conduire le principal protagoniste à une situation invivable. Ici une élève accuse son professeur de harcèlement après qu’il l’a prise en exemple pour illustrer un poème. La réaction taquine de la classe va renforcer la mauvaise interprétation de la part de la jeune fille, entraînant très vite Julien dans un tourbillon absurde entretenu par la rumeur et les bruits de couloir. Livré à lui-même, il se heurte au peu de soutien du système et, forcé à faire son coming-out, à une bonne dose d’homophobie. Il doit en outre faire face à l’indifférence de la police, la mesquinerie voire la malveillance de certains de ses collègues, la lâcheté de sa hiérarchie et l’incompréhension de son entourage. Ne pouvant pas s’expliquer et animé par un profond sentiment d’injustice, le jeune homme perd complétement pied.
Si Pas de Vagues n’est pas exempt de maladresses, il ne sombre pas dans le cliché ni la thèse sociale. Il n’ambitionne pas de dresser un état des lieux de l’éducation nationale et se garde bien de faire de l’histoire de Julien une généralité. Le film évolue ainsi progressivement en un thriller social très efficace principalement construit autour du personnage de Julien, magistralement interprété par François Civil, quitte à éclipser les personnages secondaires.

Synopsis : Julien est professeur au collège. Jeune et volontaire, il essaie de créer du lien avec sa classe en prenant sous son aile quelques élèves, dont la timide Leslie.
Ce traitement de faveur est mal perçu par certains camarades qui prêtent au professeur d’autres intentions. Julien est accusé de harcèlement.
La rumeur se propage. Le professeur et son élève se retrouvent pris chacun dans un engrenage.
Mais devant un collège qui risque de s’embraser, un seul mot d’ordre : pas de vagues…

Cinéma | SCANDALEUSEMENT VÔTRE – 12/20

De Thea Sharrock
Avec Olivia Colman, Jessie Buckley, Anjana Vasan

Chronique : Tiré d’un incroyable fait divers ayant passionné l’Angleterre dans les années 20, Scandaleusement Vôtre est une comédie old school à l’humour grinçant qui repose autant sur ses dialogues savoureux que sur le tempo imposé par ses comédiennes. Le tout est assez réjouissant, bien que le sujet s’avère un peu léger pour tenir tout un film. Il vaut malgré tout le détour pour l’exceptionnel abattage comique et la complémentarité de ses actrices. L’extraordinaire Olivia Colman est décidément à l’aise dans tous les genres. Elle est hilarante en veille fille pieuse et coincée et trouve en Jessie Buckley, formidable en mère célibataire à la gouaille haute et jurant comme un charretier, la camarade de jeu idéale. Elles sont entourées de seconds rôles féminins truculents qui ajoutent encore du piquant au récit.
Mais au-delà de la farce elle-même, Scandaleusement Vôtre livre une charge anti-patriarcale pas si anodine qui va liées ses héroïne en une étrange sororité tacite, et ce malgré tout ce qui a pu les opposer. A y regarder de plus près, il y a derrière les rires et les grossièretés un propos féministe construit et réfléchi qui fait mouche.

Synopsis : Littlehampton, 1920. Lorsque Edith Swan commence à recevoir des lettres anonymes truffées d’injures, Rose Gooding, sa voisine irlandaise à l’esprit libre et au langage fleuri, est rapidement accusée des crimes. Toute la petite ville, concernée par cette affaire, s’en mêle. L’officière de police Gladys Moss, rapidement suivie par les femmes de la ville, mène alors sa propre enquête : elles soupçonnent que quelque chose cloche et que Rose pourrait ne pas être la véritable coupable, victime des mœurs abusives de son époque…

Cinéma | DUNE : DEUXIÈME PARTIE – 16/20

De Denis Villeneuve
Avec Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson

Chronique : Avec cette Deuxième Partie, Denis Villeneuve offre à sa vision de Dune un prolongement impressionnant.
En extirpant et remodelant l’essence cinématographique du roman de Franck Herbert réputé inadaptable, le réalisateur canadien construit minutieusement une grande fresque fantastique, intelligente, riche et dense, aux enjeux complexes mais compréhensibles.
Visuellement splendide et fort d’une photographie à couper le souffle, son Dune éblouit et fascine, développant sa propre imagerie SF et un univers cohérent, singulier et unique comme on en n’a plus vu au cinéma depuis très longtemps (peut-être depuis Star Wars?)
Des décors grandioses, la musique vrombissante de Zimmer, une signature sonore unique, Dune est une expérience sensorielle magistrale portée par la mise en scène précise, ample et inventive de Villeneuve. Un peu moins contemplative que dans le premier volet, elle sublime des scènes de combats épiques, nous fait croire à des chevauchés à dos de vers des sables et nous plonge sans crier gare dans un magnifique noir et blanc le temps d’une scène de jeux du cirque qui révèle un nouveau personnage stupéfiant et terrifiant incarné par Austin Butler.
Le scénario soigne et renforce la mythologie introduite par Villeneuve dans la première partie. L’épopée messianique et vengeresse de Paul prend une autre ampleur alors que le personnage commence à rallier à sa cause certains Fremen et à effrayer ses ennemis qui le pensaient mort. Est-il l’élu, est-il Lisan al-gaîb, comme le répète frénétiquement Stilgar (Javier Bardem)?
La dimension religieuse et politique de Dune 2 est encore plus affirmée que dans la première partie. Paul refuse d’endosser le costume de Messie mais se sert de l’espoir qu’il suscite pour construire une armée qui renversera les Harkonnen. Finit-il aussi par y croire lui-même? Et quelle place cela laisse-t-il à l’amour?
La grande force de la mise en scène de Villeneuve est de parvenir à trouver l’équilibre entre ces sujets intimes et les époustouflantes scènes d’action. L’épatante précision de sa réalisation fait qu’il ne filme jamais rien d’inutile, ne fait jamais le plan de trop, offrant à son film une fluidité qui pouvait paraitre peu évidente au regard de la complexité du scénario.
Dune renforce en outre le star power un peu inattendu du frêle Timothée Chalamet, pas loin d’avoir constitué jusqu’ici une filmographie sans faute de goût entre blockbusters intelligents et cinéma indépendant.
Avec son diptyque, Denis Villeneuve crée le space opéra d’auteur, un grand divertissement populaire mais néanmoins exigeant. Après Blade Runner 2049 et Premier Contact (meilleur film SF du 21ème siècle, pour rappel), Denis Villeneuve s’affirme un peu plus comme le nouveau maître du cinéma fantastique. Dune : deuxième partie en est l’éclatante démonstration.

Synopsis : Dans DUNE : DEUXIÈME PARTIE, Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.

Séries | EXPATS S01 – 15/20 | LESSONS IN CHEMISTERY – 14/20 | DE GRÂCE – 13/20

EXPATS S01 (Prime Video) – 15/20

Expats est un grand mélo qui se déploie sur 6 épisodes intenses, jouant autant sur le suspense (que s’est-il passé avec Gus?) que sur le développement de personnages complexes tous excellement interprétés.
Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place dans une mise en scène chaude et élégante sublimant les rues de Hong Kong. Elle impose un tempo lancinant et entêtant. Derrière (ou malgré) le drame, Expat pointe du doigts les privilèges des ultra-riches, tout en évitant tout manichéisme. Malgré son visage de plus en plus étrange, Kidman demeure la reine incontestée de la nuance et de l’incarnation dramatique.

LESSONS IN CHEMISTERY
(AppleTV) – 14/20

On avait presque oublié qu’elle n’était pas que Captain Marvel…. Brie Larson nous rappelle la grande actrice qu’elle est dans cette série au joli classicisme. Lessons in Chemistery raconte la success story d’une chimiste surdouée qui, pour se faire entendre, accepte la présentation d’une émission de télévision culinaire populaire. Un moyen détourné pour partager ses connaissances scientifiques et répondre aux préoccupations des femmes dans les années 50. Lessons in chemistery remonte le temps pour mieux porter un nouveau coup au patriarcat, pas le plus violent mais très audible. C’est un peu une preuve par l’absurde que déroule la série. La misogynie est là, partout, tout le temps, exaspérante. On ne peut qu’adhérer au féminisme porté sur 8 épisodes et qui nous rapproche naturellement du personnage incarné avec beaucoup de nuance par Brie Larson. Malgré son côté cartésien et parfois austère, on s’attache vraiment au destin tantôt dramatique tantôt joyeux d’Elizabeth . Une nouvelle série à l’impeccable direction artistique et au propos puissant pour AppleTV.

DE GRÂCE S01 (Arte) – 13/20

De Grâce prend pour décor les docks du Havre et leur longue et ancienne histoire de lutte syndicale désormais gangrénée par la corruption et le trafic de drogue.
Une saga familiale et mafieuse qui lorgne du côté de ses références américaines (Soprano, The Wire etc…) sans en avoir tout à fait l’étoffe. Elle réussit cependant à imposer sa singularité grâce à la peinture de cette congrégation unique et puissante et à des acteurs remarquables (Panayotis, Lottin, Gourmet évidemment).
Intelligemment construite autour de flash-backs, De Grâce opère une intense et violente montée en puissance sur les deux derniers épisodes où le thriller et le drame familial se mélangent dans un grand geste tragique. Malgré quelques maladresses et clichés, une série de haute tenue.

Cinéma | LA SALLE DES PROFS – 11/20

De İlker Çatak
Avec Leonie Benesch

Chronique : Film phénomène en Allemagne, La Salle des Profs est un thriller social construit comme un polar à suspense, imposant à son spectateur une tension constante et étouffante.
Le scénario prend comme point de départ un fait assez mineur (des vols dans un lycée) qui va prendre une ampleur démesurée et entrainer une professeure dans un engrenage délirant.
L’efficacité de la mise en scène est la principale qualité du long métrage. La musique, la caméra qui suit Carla de près, le format 4/3 qui ressert l’image, tout est fait pour ressentir la frustration et la colère de l’enseignante. L’interprétation habitée de Leonie Bech est l’autre atout du film, une performance majuscule qui traduit parfaitement le désarroi de son personnage quand elle passe du statut de victime à celui de coupable sans vraiment comprendre pourquoi.
Tout est orchestré pour que le spectateur entre en empathie avec cette professeure sur qui le sort s’acharne. Tellement tout, que c’en est trop. La suite d’événements contraires à la jeune femme est proche de l’invraisemblable et c’est une grosse limite du film. Le script use de bien trop de facilités pour faire progresser l’histoire et intensifier le suspense. Les moments clés du film sont d’ailleurs appuyés avec la finesse d’un éléphant. Sans trop dévoiler l’intrique, l’élément déclencheur qui va entrainer l’ostracisation de Clara est déjà peu crédible, mais à celui-ci s’ajoutent d’autres évènements qui vont engendrer des réactions bien trop simplistes. Car hormis Clara, les personnages sont très caricaturaux.
Cette vision binaire dessert le film. Ce qui est vraiment dommage parce que les sujets traités sont passionnants. En faisant de l’école le miroir de la société allemande, İlker Çatak a l’ambition de montrer comment l’opinion publique fluctue au grès de bruits de couloir et de rumeurs qui alimentent un tribunal populaire par essence subjectif.
Mais la manière dont La Salle des Profs est construit interdit les nuances. Il donne l’impression de manipuler son spectateur, de lui dicter quoi penser. Il se retrouve un peu pris en otage de ce qui est imposé à Clara, qui se retrouve seule contre tous, sans qu’on sache si elle a du soutien par ailleurs puisque le réalisateur choisit de ne montrer que ce qui se passe dans l’école. Il n’offre ainsi qu’une vision partielle, en plus de partiale, de son sujet.
Un film au sujet fort mais trop forceur pour être tout à fait convainquant

Synopsis : Alors qu’une série de vols a lieu en salle des profs, Carla Nowak mène l’enquête dans le collège où elle enseigne. Très vite, tout l’établissement est ébranlé par ses découvertes.

Cinéma | SANS JAMAIS NOUS CONNAÎTRE – 11/20

De Andrew Haigh
Avec Andrew Scott, Paul Mescal, Jamie Bel

Chronique : Drame fantastique vaporeux et délicate romance gay, Sans Jamais nous Connaître nous embarque dans un voyage singulier entre passé et présent.
Alors qu’il fait la connaissance de Harry avec qui il va débuter une relation amoureuse qu’il n’attendait plus, Adam retrouve la maison de son enfance. A l’intérieur semblent toujours y vivre ses parents, en tout point identiques à ce à quoi ils ressemblaient le jour de leur mort, quand il avait 11 ans.
C’est un drôle de film que nous livre Andrew Haigh, un film de fantômes d’une sourde mélancolie mais aussi la rencontre de deux solitudes.
Cette projection mentale qui ne nous sera jamais expliquée donne à Adam l’occasion de faire son deuil, à la fois de ses parents mais aussi de tout ce qu’il n’a pas pu leur dire. Haigh fait preuve d’une grande tendresse lorsqu’il confronte son personnage au souvenir de ses parents, rendant tangibles, presque crédibles ces retrouvailles de l’au-delà. Le réalisateur nous offre des moments aussi touchants qu’étranges lorsque ce couple étreint cet enfant plus âgé qu’eux…Adam peut finalement faire ce coming-out dont il se sentait privé. Sans doute pour enfin vivre qui il est vraiment.
L’homosexualité d’Adam est d’ailleurs au cœur du film. Haigh a toujours su peindre cette communauté avec sincérité et réalisme (Week-end, la série Looking). On retrouve cette authenticité lorsqu’il développe l’histoire d’amour entre Adam et Harry. Il fait preuve de beaucoup de justesse lorsqu’il évoque l’évidente connexion physique et sentimentale entre les deux hommes.
Le fond est puissant donc, mais la forme interroge. On voit ce que Haigh cherche à dire à travers ce film de revenants mélancolique mais quelque chose bloque.
L’ultra sophistication de la mise en scène dessert le propos et donne l’impression que le réalisateur a fini par privilégier l’apparence. La photographie, très chiadée, joue constamment avec les lumières, les clair-obscur et les effets stroboscopiques. Les dialogues, très nombreux et chuchotés pour la plupart, sont trop littéraires pour qu’on y croit tout à fait. Ils expliquent tout sans laisser de place à l’interprétation. Mais l’élément le plus rédhibitoire est cette musique qu’on dirait tirée d’une séance de méditation. Elle en a en tout cas l’effet soporifique et assomme le récit qui n’en avait pas besoin.
Si Paul Mescal, tout en nuance et séduction sauvage est très convaincant en amant maudit, Andrew Scott peine à vraiment émouvoir dans ce rôle nécessitant plus de retenu que ceux qu’il a l’habitude d’interpréter. En surjouant le côté larmoyant et désabusé, il agace plus qu’il n’émeut.
Sans Jamais nous Connaître suscitait chez moi une attente sans doute démesurée. Mais Haigh semble avoir été pris au piège de l’exercice de style qui étouffe le sens et l’émotion. Son propos aurait sans doute été plus fort expurgé des tics de cinéma indé américain. Il m’a perdu en route…

Synopsis : A Londres, Adam vit dans une tour où la plupart des appartements sont inoccupés. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par sa rencontre avec un mystérieux voisin, Harry. Alors que les deux hommes se rapprochent, Adam est assailli par des souvenirs de son passé et retourne dans la ville de banlieue où il a grandi. Arrivé devant sa maison d’enfance, il découvre que ses parents occupent les lieux, et semblent avoir le même âge que le jour de leur mort, il y a plus de 30 ans.